Dans un retournement historique qui pourrait redéfinir les relations internationales, la course effrénée aux armements dotés d’intelligence artificielle pourrait paradoxalement conduire à une collaboration sans précédent entre nations rivales. C’est la thèse provocante mais argumentée que défend Geoffrey Hinton, figure tutélaire de l’IA et prix Turing, lors d’une intervention remarquée à l’Académie royale des sciences de l’ingénieur de Suède.
La course aux armements intelligents : un déjà-vu qui inquiète
Aujourd’hui, les principales puissances militaires – États-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni, Israël – développent activement des systèmes d’armes autonomes alimentés par l’IA. Cette situation rappelle dangereusement les premières phases de la course aux armements nucléaires, avec une différence majeure : l’absence totale de régulation internationale.
« Les pays ne vont pas ralentir d’eux-mêmes, ils ne vont pas s’autoréguler, et ils ne vont pas collaborer », analyse Hinton avec lucidité. Du moins, pas encore.
Le point de bascule : quand l’IA dépassera l’intelligence humaine
La situation pourrait radicalement changer lorsque l’IA atteindra – et dépassera – les capacités cognitives humaines. Selon Hinton, ce n’est plus une question de si, mais de quand : entre 5 et 30 ans selon les experts.
Cette perspective soulève une question existentielle : comment garder le contrôle sur des systèmes plus intelligents que leurs créateurs ?
Le paradoxe du pouvoir
C’est là qu’intervient un paradoxe fascinant : même le Parti communiste chinois, pourtant en compétition frontale avec l’Occident sur l’IA, partage cette préoccupation.
Ils ne veulent pas perdre leur pouvoir au profit de l’IA
souligne Hinton
Cette convergence d’intérêts pourrait créer les conditions d’une collaboration internationale inédite.
Un nouveau modèle de coopération internationale
Hinton dessine les contours d’une collaboration qui pourrait s’inspirer de certains aspects de la Guerre froide.
Malgré leur antagonisme, les États-Unis et l’URSS avaient su coopérer sur des enjeux existentiels comme le contrôle des armes nucléaires.
Cette fois-ci, l’adversaire commun ne serait pas une autre nation, mais le risque d’une IA échappant au contrôle humain.
Les premiers pas vers une gouvernance mondiale de l’IA
Des initiatives émergent déjà. Le récent sommet sur la sécurité de l’IA à Bletchley Park a réuni 28 nations, dont la Chine et les États-Unis, démontrant une prise de conscience collective.
La prochaine étape cruciale sera d’établir des mécanismes de contrôle et de régulation internationaux, avant que la superintelligence artificielle ne devienne une réalité.
Vers un nouveau paradigme de sécurité collective
Cette situation inédite pourrait forcer l’émergence d’un nouveau modèle de sécurité internationale. Au lieu d’une course aux armements traditionnelle, nous pourrions voir apparaître une course à la sécurisation et à la régulation de l’IA, où la collaboration deviendrait un impératif de survie plutôt qu’une option diplomatique.
La conclusion est aussi paradoxale que porteuse d’espoir : la menace existentielle de l’IA pourrait devenir le catalyseur d’une coopération internationale sans précédent, transformant des rivaux d’aujourd’hui en partenaires de demain face à un défi qui transcende les frontières nationales.
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